la religion, de la spiritualité à l’identité ?

Données générales du problème.

La religion a perdu pour beaucoup sa spiritualité. La religion qui auparavant liait l’homme à Dieu devient peu à peu le lien qui unit un homme à sa culture et à sa société. La communauté des religieux, qui auparavant était la communauté des croyants devient la communauté, progressivement des européens, des moyen-orientaux … La religion passe peu à peu du fait spirituel au fait identitaire. Certains ne se définissent plus comme, par exemple, simplement chrétien ou musulman, auparavant la question ne se posait pas, être sujet du roi de France, ou citoyen post-révolutionnaire était nécessairement chrétien, au maximum catholique et protestant ou juif, mais les derniers étaient très minoritaire, l’énorme majorité était catholique. De même pour les musulmans, ce constat est toujours valable aujourd’hui dans beaucoup de pays, par exemple le Pakistan, on est pakistanais ET musulmans ou plutôt pakistanais DONC musulmans, au maximum certaines branches de l’Islam sont présentes (chiites), et les chrétiens aussi, sont au mieux minoritaires, au pire persécutés. L’exemple est peut être le plus vrai en Israël, où les israéliens sont juifs, ce qui ne le sont pas sont des citoyens, perçus comme une menace potentielle (le discours de la droite israélienne) . D’ailleurs en ce qui concerne Israël, si la judéité est évidente à l’intérieur, elle l’est moins à l’extérieur, car l’État hébreu est entouré d’États, sinon officiellement musulmans du moins à forte population musulmane, c’est pour cela qu’il rajoutent État Juif d’Israël, car dans la région tout le monde n’est pas juif, et que le mot « juif » doit constituer un élément d’identité. A partir de ce moment, la question de l’identité religieuse se pose moins, voire pas du tout, car c’est une évidence, et le spirituel prend toute la place dans le fait religieux.

Aux origines du passage du fait spirituel au fait identitaire.

Quelle est donc cette rupture, le moment où l’appartenance religieuse n’est plus une évidence, donc devient élément d’identité. Comme je m’attache ici à traiter de la France, je parlerais du catholicisme, la religion encore malgré tout dominante dans le pays. On peut faire remonter le catholicisme à la Révolution Française, plus particulièrement à 1790 et à la Constitution Civile du Clergé. Si la Révolution met en place un régime non augustinien, créé donc la séparation entre le citoyen et le fidèle, c’est la Constitution Civile du Clergé qui entreprend l’opposition au sein de chaque individu, l’opposition du citoyen, et le croyant. Je vais prendre ici l’exemple de la Bretagne, région fort pratiquante. Si les bretons ont plutôt bien accueilli les réformes de la « Nuit du 4 août » et qu’ils ne s’opposaient pas à l’abolition des privilèges du Clergé et de la noblesse (de toutes manières les gentilshommes et les prêtres locaux n’étaient pas beaucoup plus riches que leurs paysans), c’est la Constitution Civile du Clergé qui créée la rupture en Bretagne, et la fait basculer dans la Contre Révolution. Parce que ce texte assujettit un des élément constitutif de l’identité de ces nouveaux citoyens (la religion) au profit de l’État séculier alors que les deux étaient avant indissociables. En effet, les prêtres pour pouvoir exercer le sacerdoce devaient prêter serment à la Constitution, et prier pour elle à chaque fin de sermon, et les évêques sont nommés par les préfets de départements. Ce qui induit donc que le spirituel est assujettit au temporel, le choc est donc inévitable.

La religion comme élément d’identité : l’exemple de la France.

C’est quand la question de l’appartenance religieuse n’est plus une évidence, que le fait religieux passe du spirituel à l’identitaire. C’est pour cela que de nouvelles problématiques émergent quant à la religion. Prenons la France pour exemple, la fille aînée de l’Église Catholique. Aujourd’hui les français qui donnent encore de l’importance à la religion ne se soucient plus du tout du dogme. Qui se préoccupe encore de savoir si la France doit être Gallicane (Église de France) ou Catholique, quel prêtre toulousain se soucie du catharisme en son diocèse. Aujourd’hui on se demande quelle est la place de la religion, en France, et quelle place la France accorde-elle encore à la religion quand la France était catholique, la question ne se posait pas, puisque la politique était à l’heure de l’Augustinisme (l’État doit permettre à chacun d’avoir les conditions nécessaires à son Salut, politique et religion sont donc consubstantielles). J’en veux pour preuve des faits plus ou moins marquants de la vie politique française, qui ont tenté de faire la part des choses stricto sensu entre le fait religieux et l’État séculier. En ce qui concerne le catholicisme, on peut prendre l’exemple du Concordat signé entre la France et le Saint Siège en 1803, qui laisse le libre culte du catholicisme en France et qui dispense les prêtres de prêter serment à la Constitution française. On peut prendre aussi, mais c’est plus marginal, les concordats signés avec les protestants et les juifs. C’est la même chose, mais plus récemment pour les musulmans et le conseil français du culte musulman (2003), qui fait intervenir d’une part l’État Séculier, la République, et de l’autre les représentants des fidèles musulmans en France, notamment dans la formation des imams. Ainsi, l’essentiel du débat religieux passe du spirituel à l’identitaire. La religion devient alors constitutive de l’identité de l’individu, je suis à la fois fidèle de telle ou telle religion, ou d’aucune et à la fois citoyen de la République Française. Ces concordats et conseils sont donc des instances de réconciliation entre ces deux éléments. Les athées et bouffeurs de curés (extrémistes athées) et d’imams sont eux aussi marqués, qu’ils le veuillent ou non par cet aspect identitaire de la religion, une seule donnée de l’équation change, la non croyance tout simplement. Ce qui veut dire que les athées sont d’une part, citoyens de la République Française, mais également non fidèles d’une quelconque religion, d’ailleurs, signifier que l’on est athée montre justement que ce n’est pas une évidence, sinon ça irait de soi, et que l’athéisme est un élément d’identité, l’identité non religieuse pour les plus tolérants, et antireligieuse pour les plus intolérants. Les concordats et conseils avec les différentes religions et confessions ont donc vocation à réunifier ces deux données identitaires qui ont été à un moment en rupture.

Recherche d’identité et dérives.

On note toutefois des dérives dans ce fait identitaire, et là encore, c’est lorsqu’il y’ a rupture encore une fois dans les deux éléments constitutifs de l’identité de l’individu, mais que l’un des deux cherche à dominer l’autre, et c’est à chaque fois l’élément religieux qui est à l’initiative de cette confrontation entre citoyenneté et confession. C’est pour cela que l’on parle de dérive sectaire, de fondamentaliste et de traditionalisme. Pourquoi ? Parce que, comme ça a été dit auparavant, l’appartenance au corps des citoyens de la République est une évidence, que ce soit par choix (naturalisation), naissance (droit du sol), mariage (droit du sang). La citoyenneté est donc une évidence, la question ne se pose pas, et la citoyenneté n’a pas à prendre le pas sur la confession. Par contre, comme je l’ai dit, l’appartenance à une religion quelconque, ou la non religiosité, n’est pas une évidence, en particulier dans un pays (pas dans l’État, la France est laïque) multi-confessionnel, c’est elle qui doit se trouver une place au sein de l’identité de chaque individu. Bien qu’il y’ ait comme je l’ai dit des instances officielles pour régler la question (1803, 1905, conseils français du culte musulman…), la question peut éventuellement être plus difficile à régler à l’échelle de l’individu. C’est dans cette tentative de faire la part des choses au sein de l’identité de chacun qu’on peut assister à des dérives, notamment quand la religion tend à prendre le pas sur la citoyenneté. Cela peut induire plusieurs conséquences. Au mieux la marginalisation de l’individu vis à vis du corps citoyen, ce qui peut se manifester par un désintérêt, voire une hostilité vis à vis de l’État séculier et des ses institutions, qui sont vu, parce qu’elles tiennent les confession à l’écart comme une entrave à l’identité de l’individu, en particulier quand la volonté est de faire prédominer son appartenance à une confession plutôt qu’à une nation. Le pire des cas est celui où l’individu manifeste clairement en publique son hostilité vis à vis de l’État séculier, et que l’opinion religieuse se manifeste de façon véhémente au sein de l’espace publique (hors lieux de cultes et habitat privé), ce qui constitue une tentative de faire pénétrer le religieux dans la société civile et de briser l’équilibre citoyen publique / religieux, ou non religieux privé. On peut alors parler de traditionalisme, de fondamentalisme ou de « bouffeurs de curés ».

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